mardi 18 mai 2010

MOSHE KAVEH : BAR-ILAN, UNIVERSITE RELIGIEUSE


Le Professeur Moshé Kaveh est le président de l’Université Bar-Ilan depuis 1996. D’origine juive polonaise, il est né en 1943 à Tachkent, en Ouzbékistan, dans ce qui était alors l’URSS. Son père, le Rav David Kaveh, était le seul survivant d’une famille de onze enfants assassinée pendant la Shoah.

Immigré en Israël en 1950, à l’âge de sept ans, Moshé Kaveh a fait toutes ses études supérieures à Bar-Ilan : BA, MA, docorat. Il a acquis une renommée internationale en 1971 en réfutant la « loi de Bloch » sur la conductivité électrique des métaux, mise en avant en 1928 par Felix Bloch, prix Nobel de Physique. Ses travaux ont porté sur la physique des solides, les systèmes désordonnés, les théories du chaos et la miniaturisation. Il a publié plus de 300 articles dans ces domaines.

Colauréat, avec le Prix Nobel Sir Nevill Mott, d’un Spécial Award de la Royal Society of England pour ses travaux sur les insulateurs, Visiting Fellow à la Royal Society, à l’Université de Cambridge et à l’Université de Pennsylvanie, il est également membre étranger de l’Académie des Sciences de la Fédération de Russie.

A la tête de Bar-Ilan, il a su y attirer de nombreux scientifiques de premier plan originaires de l’ex-URSS et transformer cette université en leader mondial en matière de recherche et de renseignement. Il vient d’obtenir la création d’un second campus à Safed, en Haute-Galilée, doté en particulier d’une Ecole de Médecine.

Marié, il est le père de quatre enfants, dont trois ont étudié à Bar-Ilan.

L’interview ci-dessous a été publiée le 21 mai 2009.

Bar-Ilan est une université israélienne religieuse. Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que nous cherchons à atteindre l’excellence dans tous les domaines scientifiques, tout en assurant à nous étudiants un accès réel à la tradition juive, à l’histoire juive, à la religion juive, à notre héritage et à notre sagesse.

Bar-Ilan n’est pas une yéshivah, ni même une université-yéshivah ?

Non. Nous ne mélangeons pas les genres. Mais d’une certaine façon, Bar-Ilan est bien le plus grand centre d’études juives au monde. Notre université et les centres universitaires satellites assurent 2000 cours dans ce domaine, que suivent 33 000 étudiants. Rabbi Akiva, l’un des grands maîtres du judaïsme au IIe siècle de l’ère chrétienne, passe pour avoir eu 24 000 disciples. En termes purement numériques, nous l’avons dépassé. Et alors que les disciples de Rabbi Akiva auraient été – selon le témoignage de nos Sages - intolérants les uns envers les autres, nos étudiants sont élevés dans un esprit d’ouverture, de tolérance, de respect de toutes les opinions.

Il y a des enseignants et des étudiants non-religieux à Bar-Ilan ?

Bien sûr. 60 % de nos étudiants sont issus de milieux non-religieux. Et il va de soi que nous n’exerçons aucune forme de contrainte intellectuelle ou spirituelle à leur encontre. Nous ne prêchons pas. Nous nous bornons à assurer une éducation. A leur demande, en quelque sorte, puis que c’est en connaissance de cause qu’ils ont choisi d’étudier ici. Le vrai judaïsme religieux, à notre sens, consiste à accueillir. Pas à exclure.

Mais en sens inverse, certains milieux orthodoxes contestent l’éducation universitaire en tant que telle…

Il faut distinguer, à cet égard, entre plusieurs problématiques. Certains milieux estiment que les Juifs doivent se consacrer en priorité ou exclusivement à la Torah, et se tiennent à l’écart de l’université pour cette raison. D’autres redoutent l’atmosphère permissive qui règne souvent dans un milieu universitaire. Ce sont là des objections respectables, qui relèvent du choix personnel… Mais un troisième groupe estime que l’éducation supérieure moderne est antireligieuse par nature. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette opinion. Certains rabbins formulaient déjà des reproches de cet ordre contre Maïmonide – qui était à la fois talmudiste, halakhiste, rabbin, médecin et philosophe - au XIIIe siècle. Quelques uns sont même allés jusqu’à brûler ses œuvres. Aujourd’hui, huit siècles plus tard, personne ne conteste plus son orthodoxie : ce sont au contraire les ultra-orthodoxes qui se réclament le plus ardemment de lui.

Bar-Ilan correspond-il à un projet politique ?

Au sens large et élevé, sans doute. Le sionisme religieux n’a pas su créer une élite politique, un vrai leadership. Nous considérons comme notre mission de prendre la relève et d’encourager nos étudiants à prendre leurs responsabilités à cet égard, afin de mieux servir le peuple juif et l’Etat d’Israël. Sans donner de consignes en faveur d’un parti politique particulier, bien entendu.

Avez-vous été tenté vous-même par la politique ?

On m’a fait plusieurs propositions dans ce sens, mais je n’ai pas donné suite. Ce que je fais aujourd’hui à Bar-Ilan, c’est ma véritable mission. Je n’ai pas à m’en écarter.

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